Association Internationale pour la Sauvegarde de Tyr | Fondation Tyr
Allocution de Mr. Amadou Mahtar-Mbow
Mr. Amadou Mahtar-Mbow

Mr. Amadou Mahtar-Mbow

  1. Alerte Patrimoine 1987 (AMADOU – MAHTAR M’BOW)

Tyr est sans doute l'une des plus anciennes métropoles du monde. Dès le premier millénaire avant l'ère chrétienne, des navigateurs phéniciens fondent les comptoirs d'Utique, de Carthage, de Nora et de Sulcis, créant ainsi autour de Tyr un véritable empire commercial, possédant le quasi-monopole des échanges maritimes en Méditerranée et, le long de la côte atlantique, du Pays de Galles à l'Afrique.

Mais tels ne sont pas les seuls titres de gloire de la ville. L'invention de l'alphabet, copié et adapté ensuite par les Grecs, n'est-elle pas attribuée à Cadmos, ancêtre du peuple de Tyr ? Sa sœur, Europe, a donné son nom à un continent. Et c'est aux Phéniciens que l'on doit la découverte de la pourpre, devenue couleur symbole des rois.

Mais grandeur et prospérité ont souvent alterné avec épreuves et malheurs. La ville a subi plusieurs sièges dont ceux de Nabuchodonosor et d'Alexandre - et connu des conquêtes successives qui l'ont toutes affectée. Presque totalement détruite, elle ne sera que partiellement reconstruite au XVIIIe siècle - sans jamais retrouver sa gloire passée.

De superbes vestiges témoignent cependant de son ancienne grandeur et de l'influence qu'elle a pu exercer sur les civilisations méditerranéennes. Ces vestiges sont aujourd'hui en grand danger.

Tyr est une fois de plus menacée. Non seulement du fait des opérations de guerre, qui infligent souffrances et destructions à l'ensemble du Liban, mais aussi du fait d'une modernisation peu respectueuse de l'harmonie des sites. La démolition de murs et de monuments au profit de nouveaux bâtiments et de nouvelles routes, les fouilles clandestines et le pillage d'objets de valeur alimentent un trafic illicite, conjugués aux bouleversements provoqués par les combats, font que, peu à peu, se perdent des richesses irremplaçables et, avec elles, les traces de l'histoire dont elles sont les derniers témoins.

Le gouvernement du Liban a décidé, en conséquence, de solliciter le soutien de la communauté mondiale pour entreprendre une Campagne internationale de sauvegarde des principaux sites archéologiques de Tyr, qui figure sur la Liste du patrimoine mondial depuis 1985.

En lançant aujourd'hui une Alerte patrimoine pour Tyr, j'en appelle à tous ceux qui se sentent profondément concernés par le sort de ce site exceptionnel, pour qu'ils sensibilisent l'opinion mondiale du danger que court le patrimoine historique de la ville et qu'ils unissent leurs forces en vue de lui éviter tout nouveau dommage, toute nouvelle déprédation, jusqu'à ce que l'Etat du Liban soit en mesure d'entreprendre les actions nécessaires à la préservation et à la restauration du site.

La population et le gouvernement libanais ont certes la responsabilité première de veiller à l'intégrité du patrimoine de Tyr. Mais la communauté internationale doit, de son côté, en liaison avec les autorités nationales, les y aider par la préservation de l'inviolabilité du site, en empêchant le transfert et en décourageant l'écoulement des objets illégalement acquis. Le concours des organisations internationales, des gouvernements, des musées et des spécialistes de l'art, est essentiel à cet égard.

Tous ensemble, faisons en sorte que le monde prenne conscience de la place qu'occupe Tyr dans son passé, mais aussi dans son avenir commun. Faisons en sorte que chacun, au Liban mais aussi dans le reste du monde, sache les dangers qui menacent ce site. Et qu'il participe à l'effort commun en vue de sa protection et de sa préservation pour les générations futures.