En novembre 1998, le Parlement Libanais a voté une Loi (N° 708) portant sur la création d’une réserve naturelle à Tyr. Ce texte devait protéger une zone de 3.883.253 m² appartenant à l’Etat Libanais et qui s’étend sur quatre kilomètres et demi de côte au sud de Tyr, et sur une profondeur de 500 à 800 mètres (sauf au niveau du camp Palestinien de Rachidiyé, non inclus dans la réserve).
Cette loi prévoit la création de trois zones distinctes dont deux nous paraissent très préjudiciable à l’avenir de Tyr :
- une petite zone après Rachidieh, incluant les sources de Ras el-Aïn, pour la réserve proprement dite, interdite au public, vouée aux cultures végétales et à la protection des espèces animales
- une destinée aux projets de développement touristique,
- une consacrée au développement immobilier alors que des sondages archéologiques ont prouvé la présence des vestiges de Paleatyr.
Rappelons que la faune et la flore de cette région de Tyr et de Ras el-Aïn sont d’une grande richesse. Les dunes de ce littoral accueillent les tortues de mer pendant la période de ponte.
La région de Ras el-Aïn, abrite un écosystème particulièrement intéressant. Trois sources millénaires creusées dans la pierre alimentent, depuis 3000 ans les hommes en eau, d’où l’essor de l’agriculture, dont les champs s’étendent presque jusqu’à la mer. L’eau, dont le niveau ne varie jamais, sert pour l’irrigation, l’usage domestique et la consommation pour toute la région. Une grande partie se déverse aussi dans la mer. Cependant, avant de se mêler à l’eau salée, l’eau douce forme une sorte de mare où progressent de nombreuses espèces rares d’insectes, de batraciens, d’oiseaux, de poissons qui trouvent là l’environnement idéal.
La plage de cette zone est l’une des plus belles du Liban. Certains promoteurs immobiliers voulaient l’utiliser, à l’origine, pour des grands projets balnéaires que l’AIST avait dénoncés. A cet égard, nos campagnes de sensibilisation ont été essentielles et nous avons pensé qu’une Réserve Naturelle dans cette zone pourrait sauver le site. Mais la loi votée est pernicieuse et ouvre une grande partie de cette zone, qui devrait être protégée, à la promotion immobilière et touristique.
Le Dr Georges Tohmé, Directeur de recherche au CNRS qui effectue des visites fréquentes dans la réserve pour y étudier la faune et la flore a recensé 274 espèces animales et plusieurs plantes médicinales. Il a constaté malheureusement que des espèces disparaissent régulièrement, je cite : «il existe cinq espèces endémiques dans cette région, dont deux auraient déjà disparu». Il souhaite que la zone au sud de Tyr soit réellement protégée et étendue jusqu’à Naqoura, là où se trouvent des plages encore intactes. Il considère, à juste titre, qu’il faut faire une différence entre une réserve et un parc, la première ne devant pas être ouverte à des activités publiques sous peine d’être détruite. Pour lui, la solution est évidente, je cite :. «Il faut appliquer la loi qui interdit de tels abus dans un site classé… »
Nous le constatons, il existe une réelle incompréhension de la notion même de « zone protégée ». Nous rejoignons le Dr Tohmé qui pense que le véritable intérêt économique de la région provient
de la préservation du site, ce qui encouragera le tourisme vert.
En décembre 2001, la Municipalité de Tyr, qui bénéficie de l’exploitation de la plage de la réserve a lancé, en collaboration avec une ONG italienne « MOVIMONDO », un concours parmi les étudiants des facultés d’architecture du Liban en vue de développer un plan d’aménagement touristique sur la partie de la réserve naturelle de Tyr attribuée au tourisme.
Le projet intitulé « Réhabilitation des zones de loisirs et de natation de la réserve naturelle de Tyr » couvrira un secteur de 900 mètres de plage et recevra en saison haute près de 5000 personnes par jour. Il comprendra :
- 40 restaurants dont 20 seront permanents et 20 autres saisonniers
- des bungalows saisonniers équipés d’une chambre, d’une salle de bain et d'une kitchenette et qui seraient démontés à la fin de la période estivale. Une plage publique équipée de douches, de cabines, de toilettes, de tours de sauvetage, de kiosques et d’espaces pour les activités sportives
- une surface de verdure
- des allées piétonnes
- un parking le long de la route capable de fournir un accès à toutes les structures
Le concours a été organisé avec la contribution financière de la Commission Européenne. Les deux projets retenus par le jury ont été récompensés de US$ 2000 pour le 1er prix et de US$ 1000 pour le 2ème prix.
L’AIST demande à l’UNESCO d’intervenir auprès de la Direction de l’Urbanisme et de la Municipalité de Tyr, afin qu’elles renoncent à ce projet d’aménagement tel qu’il est prévu.