La situation actuelle à Tyr demeure plus préoccupante que jamais. Cette ville phénicienne continue de faire face à de grandes menaces contre sa valeur universelle exceptionnelle.
En phase opérationnelle depuis 2004, le projet CHUD « Patrimoine Culturel et Développement Urbain » lancé en 2002 par le Gouvernement libanais avec le soutien de la Banque Mondiale, l’Agence Française pour le Développement (AFD) et le Gouvernement italien vise à sauvegarder, valoriser et revitaliser le patrimoine de cinq villes libanaises, dont Tyr. Il s’agit de redonner une cohérence au patrimoine culturel et architectural de ces villes pour en faire un pôle de développement touristique culturel.
A Tyr, le projet est divisé en deux phases. Les travaux de la première phase concentrée sur un circuit culturel dans la vieille ville ont été achevés en 2009. Ceux de la deuxième phase, initiée en 2010, se termineront en 2012. Ils sont axés sur la réhabilitation des infrastructures (Port, voies de circulation, marché populaire et sites archéologiques).
Cependant, ces travaux réalisés sous la supervision du Conseil de Développement et de Reconstruction (CDR) ne sont pas conformes au plan élaboré par le regretté Cheikh Pierre El-Khoury qui était en charge du projet :
1) Initialement, il était prévu de réaménager le Port de pêche dans sa forme antique, rénover la façade maritime du Port et réhabiliter les souks près du Port et la promenade côtière reliant le Port de pêche aux sites archéologiques. Or, malgré nos interventions pour tenter de préserver les fondations du Port antique, nous assistons impuissants à des travaux anarchiques ne respectant pas les zones à protéger définies par les experts. Pour exemple : le remblaiement d’une digue pour devenir 8 mètres de large dans une région riche en vestiges et l’amoncellement d’immenses blocs de ciment dans cette zone, ce qui menace gravement le patrimoine subaquatique. Aussi, des constructions modernes sont en cours d’exécution dans l’enceinte même de ce Port.
2) L’immeuble qui abritait le syndicat des pêcheurs, construit illégalement pendant la guerre au centre du Port, devait être rasé et le syndicat déplacé dans le bâtiment construit récemment sur la digue Nord. Or, il est actuellement prévu d’en reconstruire un autre au même endroit du syndicat avec une architecture moderne qui trancherait avec le site, ensevelirait des vestiges sous des tonnes de béton et entraverait le panorama du Port.
3) Aussi, il est capital de détruire les étages illégaux de deux immeubles surplombant le Port, construits pendant la guerre, avant la rénovation de la façade.
4) Les souks populaires se trouvant à l’entrée de la vieille ville, près d’un parc de stationnement de voitures dans la région de « Al Bawabeh », devaient être déplacés pour construire un marché artisanal ouvert. Ces souks de légumes et de viande seront logés dans un immense hangar recouvert d’une structure métallique massive au même endroit. Le CDR en charge du projet a modifié le plan initial.
C’est pourquoi nous appelons le Ministre libanais des Travaux publics et des Transports, le CDR, l’Ambassade de France au Liban, l’AFD et l’Ambassade d’Italie à arrêter instamment les travaux en cours dans le Port de Tyr, mettant en danger ce Patrimoine archéologique de grande valeur historique.
Nous demandons également au Ministre libanais de la Culture de délivrer sans plus tarder la carte archéologique de la ville de Tyr et ses environs, sollicitée par l’UNESCO et le Patrimoine Mondial par plusieurs résolutions depuis plus de dix ans.